SUR LA ROUTE DU CINEMA par Dan Albertini dan.albertini@reseauhem.ca

21 March 2012

Le Livre d’Eli. Un film de Gary Whitta/Anthony Peckham, mettant en vedette Denzel Washington dans le rôle d’Eli et, réalisé par Albert & Allen Hughes. Une production Warner Bross 2010.

Les rendez-vous se calquent au gré des ans et au fil de l’histoire. <> dixit De Moya, un vieux voisin d’enfance. Il mourut l’année où il ne se répéta à ma mère. La vieille Marie était sa femme, une face toute blanche telle sur l’image de la vierge vendue au bazar du M-C. Elle ne devait plus l’être au sens propre, De Moya était Français, malgré d’apparence agape plutôt qu’éros. Vierge au sens figuré qui sait ! Son commerce s’appelait Epicerie du Mont-Carmel. La suite est censurée. Nous ne connaissions pas le prénom de cet épicier, notre voisin d’en face. Il ne sortait que deux fois l’an, mon frère le surnomma ‘’le saint’’ vu son âge avancé.

Son voisin latéral ne pouvait être prophète même s’il s’appelait Eli, il était commerçant. Sa femme lui fut enlevé après De Moya. Veuve, la vieille Marie quitta les lieux faute d’un miracle, pour s’installer près du Marché local avec tous ses domestiques, dont Jean l’enfant de coeur noir. On l’appelait le p’tit Jean, non pas d’âge mais haut de taille d’un guéridon surélevé, l’opposé d’un nephilim qui carillonnait tous les matins six heures. Il devint Sacristain de la paroisse, puis, partit pour la grande paroisse éloignée du Christ-Roi. C’était chez mon oncle et je menais large, loin du double chemin de croix du second sacerdoce de l’oligarchie paternelle, après celui de ma grand-mère Clorindre. Missel et Bible !

Le p’tit Jean se cachait le soir près de la porte qui donnait sur le voisin Eli, pour danser ‘’rara’’. De
Moya ne voyait donc l’ombre. Le carnaval cédait la place désormais aux bandes de rara qui disait-on chez nous, n’aimaient pas le Christ. C’est une façon de laisser le Mardi gras pour rentrer dans la période du carême en passant par le mercredi des cendres à l’école, sauf si le président décrétait congé pour <>. Alors c’était au Mont-Carmel, d’où l’épicer De Moya le saint, Marie, Jean et Elie. La religion nous enveloppait naturellement de son manteau, comme au cinéma avec le Saint. Le temps a passé et je me suis marié, toujours dans la religion, mais chez celle des malaimés. Alors là, impossible de rater toute une série de films qui ont marqué, non pas le grand écran nécessairement, mais la route du cinéma.

Parlez-en à mon ancienne femme, elle sortira sa liste longue d’un kilomètre. Les dix commandements,

La passion du Christ, Moïse et Araon, Moïse et Pharaon, Le Saint de Simon Templar version télévisée. Non, elle n’oubliera pas A men called Moses. C’est son préféré et elle a raison d’aimer ce film. Un chef d’œuvre d’ailleurs qui impose sa tradition à tous les médias du monde entier. Des salles de cinéma le projettent encore en saison. Les chroniqueurs répètent le même refrain chaque année : un grand classique. Ce sont malgré tout des films qui nous ferment les yeux sur le présent en jugeant des acteurs du passé. Nous en sommes aussi de bons dans le scénario de la foi. Malheureusement, les saints sont ailleurs, on se contente du film <>.

Le film
Le tournage se déroulait dans les grands studios d’Hollywood où l’œil de la caméra grossissait une image au point que la mer rouge ressembla à un de ces océans menaçants sur écran et dans l’imaginaire. Mon ancienne femme se serait reconvertie à l’infinie tant elle était sous effet. Mais, c’est aussi ça l’objectif de la religion pour se nourrir. La pédagogie du cinéma n’est donc pas farfelue, c’est ce que veulent le scénariste et l’acteur tel que Guliano Gemma. Cependant, elle a eu le malheur de flirter avec Hollywood en visitant une amie sur le pavé des stars. L’affaire des étoiles comme celle de la mer rouge l’a rendu confuse au point de voguer au gré des saisons, d’une croyance intensive à une autre superficielle. C’est encore l’effet du film sur elle, même si la tradition ne se perd dans la modernité. Mais, paf. Le verre se brise, sec. 2010 vient avec un Eli noir, son couteau tranchant, sa gueule de métèque. Ce n’est plus le Blanc de la tradition. Fin de l’histoire. Comme si c’était la technologie, les couleurs apportent du relief avec un Denzel Washington. Un Noir dans l’histoire. Une autre bible, la Torah, le Coran, au revoir Templar !

L’histoire
Elle est passionnante même en dehors de la religion. Je prédis des records en cette année de fin de calendrier Maya car tout le monde a peur. Mon frère parle d’Israël et de l’Iran pour se justifier non sans raison, le Livre d’Eli parle d’une dévastation nucléaire. Petite parenthèse, si je trouvais quelque chose à vendre en ce temps-là, je ferais fortune comme tout bon Juif qui se respecte, ça me fait encore rire quand, un ami me disait que leur vin préféré est <>. Il faudra me refiler un tuyau, mieux que le numéro de tombola africain ou du cheval de course français. Fermons ().

En fait, c’est l’histoire de Moïse en Egypte avec son fameux bâton miracle dans la cour de Pharaon. Tout le monde la connaît, en particulier ceux qui la contestent. Brusquement, une nouvelle donnée vient tout remettre en question avec ‘’Le Livre d’Eli’’. Transformation ! La consternation pour plus d’un.

On aimait bien notre Moïse blanc, mais quel Noir peut se refuser un Eli noir quand Denzel joue !

Paulette Washington, pour se justifier : <>. Ah oui, la femme de Denzel, mais elle oublie de dire qu’Eli meurt dans le film, il n’est pas enlevé dans le ciel. Je parie, cette année l’autre regardera Eli de préférence à cause de l’acteur. Denzel est Eli, la race rentre dans le décor par l’autre couleur, la spiritualité aussi. Moïse viendra plus tard et, peut-être Dieu. N’ayez crainte, elle ne contestera, au risque de rejeter Eli par association. L’histoire est ancienne et tout aussi contemporaine dans ses effets. Il y a quelques années de cela, c’était un président noir dans ‘’24 heures Chrono’’. Le cinéma a provoqué, Barak est réel dans la capture de Ben Laden. Un prophète noir pour Carême 2012, la fin du calendrier Maya en prime : focus sur elle !

L’histoire est d’une curiosité, son film préféré lui vendait un Moïse blanc chez Pharaon, tandis que le Livre d’Eli lui propose un prophète noir enlevé de la vie. Un autre scénario. Le mal est désormais perçu autrement dans le film, l’imaginaire inscrit d’autres scénarios qui n’étaient pas de nos traditions.

Un film sur les Juifs falashas d’Ethiopie en dirait long, un Jésus noir ou blanc ! Le Québec a lui rejeté ‘’Jésus de Montréal’’. Il y a d’autres références qui convoquent en d’autres lieux si vous préférez.

La tentation est au menu : visionner le documentaire http://vimeo.com/38175279 de Chris Busby sur Fallujah l’ancienne région des Chaldéens près de Babylon en Mésopotamie biblique. Une amie me l’a suggéré pour d’autres raisons, sans vouloir insinuer que la passion de JC est désuète puisqu’on tue encore des héritiers du Prince, dans ce documentaire. J’hésitais par autocensure, mais s’il ne l’est pas encore, c’est peut-être l’occasion de redécouvrir ce que nous apporte le cinéma comme moyen de culture. L’enseignement du mal, la connaissance pour lutter contre le mal au profit de l’humanité ? Je ne cherche plus Eli par l’ancien testament, ni le Saint, sur les rives passées du carême, nous y sommes en plein dedans, la passion est contemporaine. C’est, le phosphore blanc dans ce film ou, les radiations à Fallujah, qui ne laisse plus de place aux miracles d’Eli ou du Moïse blanc, quand la médecine moderne ne peut rien pour faire pousser un membre génétiquement raté. Denzel, Eli en coupe lui, à la vitesse d’un Sergio Leone dans ‘’Il était une fois dans l’Ouest’’. Même partition !

Il ne faut surtout pas croire que je tente par là de venger le p’tit Jean de chez De Moya. Absolument pas. C’est comme l’affaire de la vierge noire vs la vierge blanche, le bas cartier le voyait comme le démon noir terrassé par le St. Michel blanc de l’image représentant le tableau de Rafaël. D’autant plus qu’il venait des hauteurs du morne de St. Rock, sous paroisse du père Guatalem. Il a dû quitter le sacerdoce pour s’initier maçon dans la construction. Là encore, il lui a fallu faire le procès de hauts mûrs après celui de l’église, à cause de sa taille. Jean retourna tout simplement vers la montagne.
Merci d’y croire !

Daniel Milord Albertini