Une semaine au cœur de l’imbroglio syrien

5 September 2013

Si les drapeaux flottent dans un alignement parfait sur le bâtiment de l’ONU à New-York, offrant au monde extérieur l’image d’une entente parfaite, à l’intérieur de la Maison de verre, la réalité est toute autre : confrontées au conflit syrien, les Nations sont on ne peut plus désunies quant à l’attitude à adopter. A l’aube de la troisième année d’un conflit parmi les plus meurtriers, la communauté internationale réaffirme son impuissance à trouver une solution face à la Russie et à la Chine qui, contre vents et marées, soutiennent le régime syrien. L’affrontement diplomatique est digne des plus belles heures de la guerre froide et alors que le conflit syrien tourne au casse-tête diplomatique, ce sont les civils, principalement les femmes, et les enfants qui paient le prix fort, celui de leur vie. Une vie qui ne pèse pas bien lourd aux yeux de la communauté internationale qui a décidemment, la mémoire courte et préfère ignorer ce qui est en passe de devenir, d’après l’ONU, la pire guerre civile en 20 ans.

Par un singulier jeu de miroir réfléchissant, la presse se scinde en deux camps : d’un côté, les « va-t-en-guerre » parmi lesquels les américains, de l’autre, le « anti », au premier rang desquels figurent la presse arabe et quelques occidentaux. La prestation de Colin Powel venu démontrer, preuves à l’appui devant le conseil de sécurité que l’Irak possédait des armes de destruction massive, est présente dans l’esprit de ceux qui étaient présents en 2003. Ils ont une impression de « déjà-vu » qui les rend sceptiques et mal à l’aise.

Le nombre d’enfants réfugiés atteint le million et la guerre civile en est à son cent millième mort. Les états membres tentent lors de réunions sans issue, de savoir si la « ligne rouge » chère au président Obama, a été franchie ou pas. L’ultimatum de l’occident et de ses alliés est sans cesse repoussé.

Finalement, le 13 août, une délégation de l’ONU composée d’une dizaine d’inspecteurs et dirigée par le scientifique suédois Aake Sellström est autorisée à se rendre sur les lieux d’attaques présumées, -des lieux auparavant définis par consentement mutuel, entre l’ONU et Damas - pour effectuer des prélèvements permettant de déterminer si une attaque chimique a bien été perpétrée.

21 août à l’aube : la mission vient tout juste de se déployer. Des bombardements ont lieu dans plusieurs villes de la Ghouta orientale, à l’est de Damas, et Mouadamiya, au sud-ouest de la capitale syrienne. L’opposition accuse les forces gouvernementales d’avoir gazé des centaines de personnes. Le bilan est lourd : Georges Sabra, une des figures de l’opposition parle de 1 300 morts. Le gouvernement syrien dément l’utilisation d’armes chimiques. Le Conseil de sécurité de l’ONU réclame des clarifications et les puissances occidentales exigent que soit diligentée une enquête des experts arrivés le dimanche précédent à Damas. Pour la Russie, il s’agit d’une "provocation" des rebelles.

Le 23 août, lors d’un entretien avec Ban Ki Moon, le président français François Hollande, mentionne "l’usage probable d’armes chimiques". Barack Obama estime quant à lui, que l’emploi de telles armes est un motif de "grave préoccupation", et ajoute que la communauté internationale doit en savoir plus sur ce qui s’est passé.

Dans la foulée, le secrétaire général de l’ONU demande au gouvernement syrien d’autoriser un accès total aux experts, aux localités concernées par les bombardements. Les Etats-Unis repositionnent leurs forces navales en Méditerranée et Bachar Al-Assad accepte de laisser les experts de l’ONU inspecter les sites présumés de l’attaque. La Russie maintient son soutien au régime syrien, affirme qu’imputer prématurément au régime syrien l’attaque chimique présumée serait « une erreur tragique » et conseille à Washington de ne pas reproduire les erreurs du passé.

Dans ce climat de plus en plus tendu, le blocage du conseil de sécurité est entier. D’un cote, les Etats-Unis et leurs allies, de l’autre, la Russie et la Chine. Deux blocs qui s’opposent et ne semblent pas prêts à faire des concessions.

Lundi 26 août, John Kerry juge « indéniable » l’utilisation d’armes chimiques « par le gouvernement syrien » et le président américain agite le spectre d’une réponse proportionnée. L’Amérique s’alarme du bruit des bottes qui lui rappelle les mensonges éhontés de l’administration Bush sur l’Irak et ses fausses armes chimiques. En Europe, David Cameron juge que les attaques chimiques sont "absolument odieuses" et qu’elles exigent une réaction de la part de la communauté internationale. Ankara parle d’un "crime contre l’humanité" qui ne peut rester impuni. Dans son discours devant les ambassadeurs de France réunis à l’Elysée, François Hollande déclare "la France est prête à punir ceux qui ont pris la décision infâme de gazer des innocents et annonce la réunion d’un conseil de défense pour le lendemain.

Le 29 août, David Cameron annonce la présentation au conseil de sécurité de l’ONU d’un projet de résolution qui autoriserait "toutes les mesures nécessaires", y compris la force armée," pour protéger les civils contre les armes chimiques ». A la demande de la Russie, les cinq membres permanents du Conseil de sécurité se réunissent une nouvelle fois et se quittent sans faire de commentaires. Plus tard dans la journée, volte-face diplomatique : le parlement britannique rejette l’idée d’une intervention militaire et David Cameron décide d’attendre les conclusions finales du rapport des inspecteurs de l’ONU.

Le 31 août, les inspecteurs sont de retour à New York. Ils doivent maintenant procéder à l’analyse des échantillons de sang, d’urine et de cheveux des personnes exposées à des vapeurs toxiques ainsi que des témoignages de victimes et du personnel médical et procéder à des autopsies.

Barack Obama annonce qu’il attendra la décision du Congrès et François Hollande, le président français qui s’était aligné sur les américains, se retrouve isolé. En Syrie, les morts se comptent par dizaine de milliers.

Célhia de Lavarène, New York
5 septembre 2013