Le Centre de politique de sécurité de Genève explore les nouveaux fronts de paix et de diplomatie, repenser la sécurité face à l’instabilité climatique

2 November

À l’heure où les catastrophes climatiques s’intensifient, diplomatie et défense redéfinissent leurs priorités. À Paris, le Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP) a réuni experts et stratèges pour réfléchir à la manière dont les États peuvent faire face à un monde que le climat rend de plus en plus instable. Entre prospective, coopération et diplomatie environnementale, une réflexion mondiale s’amorce. Alors que le dérèglement climatique s’impose comme l’un des défis majeurs du XXIᵉ siècle, diplomates, experts et militaires se sont réunis à la Maison Internationale de la Cité Internationale Universitaire à Paris pour réfléchir à une question devenue centrale : comment la diplomatie et la défense peuvent-elles s’adapter à l’instabilité climatique ?

Le climat, nouvel enjeu géopolitique.

De la montée des eaux à la désertification, en passant par les phénomènes météorologiques extrêmes, les participants ont rappelé que le climat n’est plus seulement un enjeu environnemental, il redéfinit les frontières mêmes de la sécurité internationale. Les États, confrontés à des crises humanitaires et migratoires amplifiées par le réchauffement, doivent désormais intégrer la variable climatique dans leurs doctrines de défense et leurs stratégies diplomatiques. Sous la modération de Céline Giuliani, stratège en gouvernance mondiale, et l’accueil chaleureux d’Isabelle Gillet, responsable du Bureau des anciens élèves du GCSP, le panel a exploré de nouvelles pistes de coopération intersectorielle pour renforcer la résilience collective.

La première session intitulée « Intégrer la vulnérabilité climatique à la sécurité nationale » à permis à Nestor Alfonzo Santamaria, conseiller principal à l’OCDE, d’ouvrir le débat sur la nécessité d’intégrer la prospective climatique dans les stratégies nationales et multilatérales. « Le changement climatique redessine les équilibres géopolitiques », a-t-il souligné, appelant à une gouvernance anticipatrice, capable de prévenir les crises avant qu’elles ne deviennent des menaces sécuritaires. Les modèles de gouvernance doivent, selon lui, inclure des outils diplomatiques innovants pour faire face aux risques liés au climat, qu’ils soient économiques, sociaux ou militaires. L’objectif, éviter que la vulnérabilité environnementale ne se transforme en facteur d’instabilité politique.

Lors de la deuxième session « la défense face aux bouleversements climatiques », Bastien Alex, conseiller climat auprès du général de division des forces armées françaises, a détaillé les adaptations déjà en cours au sein des armées. Entre interventions d’urgence lors de catastrophes, aide humanitaire et préparation aux migrations climatiques, les forces armées repensent leur rôle dans un monde soumis à des chocs écologiques répétés. Les infrastructures militaires, souvent situées en zones côtières ou désertiques, se trouvent en première ligne des impacts du réchauffement : montée des eaux, vagues de chaleur, événements météorologiques extrêmes. Cette vulnérabilité impose de nouvelles coopérations entre ministères, régions et partenaires internationaux. Bastien Alex a également insisté sur l’émergence d’une « diplomatie de défense climatique », fondée sur des exercices conjoints, des missions humanitaires et des programmes de résilience partagée. La coopération autour du climat devient ainsi un vecteur de rapprochement entre États et armées.

La troisième et dernière session, « Sable, eau et paix, la coopération régionale au Moyen-Orient » a vu La secrétaire générale de la Chambre de commerce Suisse-MENA, Shirin Golkar, aborder les facteurs de stress environnementaux qui fragilisent la région : pénurie d’eau, assèchement des zones humides, tempêtes de sable et de poussière. Elle a plaidé pour une véritable « diplomatie du sable et de la poussière », destinée à favoriser le dialogue entre États confrontés à des menaces communes. Les conflits transfrontaliers autour de l’eau constituent, selon elle, les prochains foyers de tension politique si aucune coopération régionale n’est mise en place. Mais ces mêmes tensions peuvent devenir des leviers de dialogue, à condition de créer des coalitions régionales entre diplomatie, défense et économie pour bâtir des systèmes d’alerte précoce et de partage équitable des ressources.

Manon Frezouls, responsable de la conférence et des relations institutionnelles à l’Académie des jeunes négociateurs, a salué l’attention soutenue d’un public conscient des défis planétaires. L’événement a rappelé la vocation du GCSP, former, relier et inspirer les acteurs de la paix dans un monde en mutation. Créé en 1995 par le gouvernement suisse dans le cadre du Partenariat pour la paix de l’OTAN, le GCSP s’inscrit dans la continuité du sommet historique de Genève de 1985 entre Ronald Reagan et Mikhaïl Gorbatchev, où fut soulignée la nécessité de renforcer l’expertise internationale en matière de sécurité et de désarmement. Aujourd’hui, soutenu par 55 États membres, le Centre poursuit sa mission depuis la Maison de la Paix à Genève, en développant des programmes de formation et de recherche pour anticiper les défis émergents.

Vers une diplomatie du futur

Face à un monde traversé par les crises climatiques, énergétiques et sociales, la diplomatie du XXIᵉ siècle se doit d’être préventive, inclusive et interdisciplinaire. Le Forum de Paris sur la Paix 2025, comme le GCSP, incarne cette vision d’une coopération globale où le climat devient un langage commun, et non un facteur de division. De Genève à Paris, une conviction émerge : la paix de demain se construira aussi dans la manière dont l’humanité saura dialoguer avec la planète.

Fatima Guemiah.
Paris, 31/10/2025