Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes
Le 31 octobre, dans le cadre de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes, les familles de Ghislaine Dupont et de Claude Verlon, les deux journalistes de Radio France Internationale (RFI) enlevés et assassinés en novembre 2013 au Mali, étaient à l’ONU.
Elles ont dénoncé le silence des autorités françaises sur les circonstances de ces assassinats, et ont accusé le Ministre Le Drian de mentir et de manquer d’humanité. « Je porte cette agonie en moi depuis six ans. J’attends la vérité depuis six ans,’ a déclaré très émue, Marie-Solange Poinsot, la mère de Ghislaine Dupont, lors de l’inauguration d’une exposition de dessins organisée par l’Unesco, au siège de l’ONU, en hommage aux deux journalistes assassinés.
« Le déplacement aux Nations Unies, à New York, est pour la mère de Ghislaine Dupont, une démarche grave, symbolique et courageuse, qui ne peut que nous émouvoir et nous renforcer dans notre travail pour promouvoir la protection et la sécurité des journalistes, garants du droit à l’information pour tous, » a déclaré Ricardo de Guimaraes Pinto, de l’Unesco.
Ghislaine Dupont, 57 ans, et Claude Verlon, 55 ans, avaient été enlevés lors d’un reportage qu’ils effectuaient pour RFI puis tués le 2 novembre 2013 près de Kidal, quelques mois après l’opération française ‘Serval’ destinée à contrer des djihadistes qui menaçaient de prendre Bamako.
En juillet, une enquête de RFI avait mis en cause la version officielle d’une prise d’otages ratée par un groupe djihadiste, en révélant que des forces spéciales françaises pourchassaient les ravisseurs à ce moment-la. « L’armée détient la vérité, » assure Marie-Solange Poinsot. "On a appris des choses qu’on nous avait jamais dites et le ministre des Affaires étrangères et ex-ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, n’a pas eu beaucoup d’humanité envers moi", a-t-elle déclaré, expliquant que ce dernier lui aurait asséné que les journalistes doivent s’attendre à ce genre de « choses ». « Les militaires ont des armes, ma fille n’avait qu’un micro. L’arme des journalistes, c’est un crayon, un micro, une caméra. Ma fille avait peur d’une balle perdue, d’une mine, pas d’un assassinat, » a-t-elle assuré, les larmes aux yeux.
Du côté des militaires, c’est le silence "total". L’ancien président François Hollande avait pourtant assuré aux familles que les autorités "n’avaient rien à cacher". "Je ressens presque de la haine, car ces gens au pouvoir, c’est nous avons voté pour eux, et nous en sommes la."
"On nous ment, on nous avait promis de nous dire la vérité mais aujourd’hui on ne sait rien", a surenchéri Marie-Pierre Ritleng, la soeur de Claude Verlon. "Il y a des choses qu’on ne veut pas nous dire et aucune information ne vient du ministère des Armées, a-t-elle ajouté.
Venue apporter son soutien aux deux familles, la rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, Agnès Callamard, a estimé que "l’impunité en France était inacceptable". "Elle devrait être le combat du gouvernement au lieu d’être mise de côté. L’impunité c’est ce qui empoisonne nos sociétés", a assuré l’experte qui a enquêté sur le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi. Pour elle, il y a de nombreux points communs entre Khashoggi et Ghyslaine et Claude. « Il faut savoir quelles étaient les circonstances du meurtre de Ghislaine et Claude. Qui était présent pendant et après. Qui a manqué à son devoir et qui a cherché à camoufler la vérité aux familles", a-t-elle affirmé.
L’assassinat des journalistes de RFI, revendiqué par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), fait toujours l’objet d’enquêtes mais la lumière n’a jamais été faite sur les circonstances de ces assassinats.
Célhia de Lavarène
31 octobre 2019