Reconnaissance de la Palestine, à l’Institut du monde arabe, une soirée d’histoire et d’espérance

22 September

À Paris, quelques jours avant l’annonce par la France, de la reconnaissance de l’État de Palestine à l’Assemblée générale de l’ONU, le Lundi 22 septembre 2025, l’Institut du monde arabe a réuni diplomates, chercheurs et journalistes pour une soirée exceptionnelle. Un moment de célébration et de réflexion, ponctué par un discours d’Elias Sanbar qui a marqué les esprits.

Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe (IMA), ancien ministre de la Culture, introduit la soirée et parle avec cette énergie chaleureuse qui lui est propre, mélange de solennité et d’enthousiasme : « C’est pour moi un honneur et une joie immense de vous accueillir à l’Institut du Monde Arabe, pour un moment qui fera date dans l’histoire : la reconnaissance, dans quelques jour, par la France, de l’État de Palestine devant l’Assemblée générale des Nations Unies, le lundi 22 septembre 2025. Nous vivons un moment historique. Ce geste, attendu depuis si longtemps, marque un tournant. Il vient rappeler au monde que le peuple palestinien a droit à son avenir, à sa liberté, à son autodétermination. En reconnaissant l’État de Palestine, la France réaffirme son attachement au droit international, au multilatéralisme et à l’idée qu’aucune paix durable n’est possible sans reconnaissance mutuelle et sans respect des droits fondamentaux. Je veux saluer, ici, la ténacité et la dignité du peuple palestinien, dont le courage force l’admiration du monde entier. Cette soirée est un moment de joie, mais aussi de responsabilité. Elle nous invite à réfléchir, à dialoguer, à imaginer l’avenir de cette reconnaissance, un avenir où la Palestine pourra siéger pleinement parmi les nations, où la paix pourra, enfin, se construire.

Hala Abou Hassira, transformer le symbole en élan

Dans un silence religieux, Hala Abou Hassira, ambassadrice et cheffe de la mission de Palestine en France, prend la parole. Son discours, précis et mesuré, fait résonner la portée diplomatique de ce geste : « En reconnaissant l’État de Palestine, la France affirme que le peuple palestinien a droit à son avenir, à son autodétermination, à vivre libre et en paix sur sa terre. Cette reconnaissance ne résout pas tout, mais elle change tout. Elle modifie le regard du monde et redonne espoir à ceux qui, depuis des décennies, attendent que justice soit faite. »
Chercheurs, journalistes et diplomates se succèdent dans les trois tables rondes pour analyser les conséquences de cette reconnaissance. Les questions fusent depuis la salle.

Elias Sanbar, la voix de l’histoire

Vient alors le moment le plus attendu, la conclusion de la rencontre par Elias Sanbar, historien, essayiste et ancien ambassadeur de la Palestine auprès de l’UNESCO. Dans une intervention longue, passionnée et habitée, prononcée devant une audience recueillie, il rappelle et martèle une évidence, que jamais le droit international n’a été autant invoqué dans les discours officiels, jamais l’Assemblée générale de l’ONU n’a adopté autant de résolutions réaffirmant sa centralité et pourtant, jamais ses violations n’ont été aussi flagrantes et quotidiennes et pourtant, chaque jour, dans la bande de Gaza et dans l’ensemble des Territoires palestiniens occupés, ce droit que le monde proclame est bafoué sous nos yeux.

« C’est vrai que nous avons déjà 149 États qui nous reconnaissent. Mais il y a quelque chose qui est en train de se produire, qui est nouveau dans ces reconnaissances. Ce n’est pas seulement que, lorsque nous aurons des résolutions à voter, nous aurons quelques voix de plus. Ce n’est pas seulement une addition de voix. Des choses fondamentales sont en train de se produire.

Il s’agit de la reconnaissance de la Palestine. Oui, la Palestine en tant qu’État. J’ai apporté avec moi la lettre que le président Emmanuel Macron a envoyée au président Mahmoud Abbas lorsqu’il est venu en France avec l’intention de reconnaître un pays. Il parle de la reconnaissance d’un lieu où ce pays est situé, en disant que ce lieu est une reconnaissance de ceux qui y sont, non pas comme habitants, non pas comme occupants, non pas comme vacanciers, mais comme le peuple de ce pays. Reconnaître un pays, c’est reconnaître quelque chose de fondamental. Le peuple de ce pays porte en lui son propre droit à l’autodétermination. Personne ne l’attend, c’est lui qui le porte. Les peuples sont chacun un tabernacle de leur autodétermination. Et dans cette reconnaissance, c’est pourquoi il y a quelque chose de très nouveau, il y a la reconnaissance du peuple de Palestine à travers l’idée de Palestine. Beaucoup disent, non, non, c’est un État. Non, non, ce n’est pas seulement un État.

Lorsque nous étions à l’UNESCO, nous nous sommes battus très fort pour y entrer. Il y a eu beaucoup de discussions et de négociations. Les Américains m’ont dit : « Au Sud, en tant qu’autorité nationale, nous votons pour vous ». J’ai répondu : « Non, je suis un pays, je ne suis pas une organisation. Avec tout le respect que je dois à l’autorité nationale, au pays dont je viens, aux États-Unis, je suis un pays, un peuple ». Et nous sommes entrés à l’UNESCO en tant que peuple. Lorsque vous regardez les images du Conseil de sécurité, l’ambassadeur de France a une plaque devant lui. Qu’y est-il écrit ? République française ? Non, France. Et nous aussi, demain, nous aurons une plaque sur la table qui dira « Palestine ». Aujourd’hui, nous sommes observateurs. Demain, nous serons membres à part entière de l’ONU. Et là, la bataille se prépare. Elle aura lieu au Conseil de sécurité. Ce moment que nous vivons est historique. C’est un acte de rupture, mais aussi d’espérance. La Palestine entre dans le cercle des nations, non pas seulement comme une ligne sur une carte, mais comme l’expression vivante d’un peuple qui porte son avenir, debout, digne, dans le concert des nations. »

Lorsque le public se disperse, le sentiment partagé est celui d’un moment qui dépasse l’événement diplomatique. Cette reconnaissance devient, aux yeux de beaucoup, un point de bascule, une promesse de justice et de dignité.

Paris, Fatima Guemiah.